Echange voiture de société contre cash : mesure efficace ou coup de « com »?

J'ai interrogé le Ministre des Finances sur le "Cash for car". En effet, le système des voitures de société en Belgique atteint ses limites. Il est certes avantageux pour ceux qui en bénéficient mais il est devenu un vrai problème. C’est tout d’abord un problème en termes de mobilité. Ce système a un effet incitatif pour le recours à la voiture et, objectivement, ce n’est pas top! Chacun en conviendra. C’est aussi devenu un vrai problème sur le plan fiscal puisque le dispositif est manifestement discriminatoire. Il est d’ailleurs tellement discriminatoire qu’on considère désormais que la moitié du parc automobile des voitures de société bénéficient en réalité aux 10 % des revenus les plus élevés.

Objectivement, ce système doit être réformé. Certains vont même jusqu’à proposer de le supprimer. Quoi qu’il en soit, chacun s’accorde sur la nécessité d’une réforme d’ampleur. On a donc été un peu surpris, voire interloqué, de voir l’annonce du gouvernement qui a fait la proposition d’une modification apparemment très simple. Mais une idée simple n’est pas nécessairement une bonne idée, puisqu’il est proposé de remplacer la voiture par un montant en cash.

C’est assez interpellant car, manifestement, cela n’aura aucun impact sur la mobilité. Les analyses montrent que la proposition n’est pas suffisamment attractive que pour inciter les employés à changer de régime, l’allocation étant inférieure au coût réel du véhicule. Le système profite donc davantage aux employeurs qu’aux employés.

Par ailleurs, cette proposition ne comprend aucun élément ayant un effet incitatif pour un recours à une mobilité alternative. Le Bureau du Plan vient de confirmer que cela n’aurait aucun effet sur la congestion des routes. 

Deuxième élément négatif, cette proposition s’avère encore plus discriminatoire que le régime actuel puisque, désormais, il y aura une discrimination supplémentaire entre ceux qui touchent leurs revenus de manière classique et ceux qui bénéficient d’une allocation financière, elle-même soumise à un régime fiscal plus avantageux. La proposition donne donc l’impression d’être à côté de la plaque.

J'ai donc demandé au Ministre si le gouvernement était disposé à revoir sa copie compte tenu des avis négatifs exprimés de tous côtés, notamment par le Bureau du Plan ainsi que par tous les organismes, y compris les organisations d’employeurs et les organisations syndicales?

C'est le Ministre Vandeput qui m'a donné des éléments de réponse qui lui ont été donné par le Ministre des Finances : " D’abord, les principes sont les suivants. Les travailleurs disposant d’une « voiture-salaire » auront la possibilité d’échanger leur véhicule contre une somme d’argent. Cette mesure s’appliquera uniquement aux travailleurs qui disposent déjà d’un véhicule de société. Elle est basée sur la liberté de principe: il n’y aura pas d’obligation pour les employeurs d’instaurer la mesure, ni d’obligation pour les travailleurs de l’accepter. Un certain nombre de conditions et de critères sont fixés en vue d’éviter un usage abusif du système. L’allocation mobilité est une somme d’argent dont le statut social et fiscal est similaire à celui du véhicule de société. Le calcul du montant se fait sur la base de la valeur catalogue, dont 6/7e sont pris en considération, comme pour la réglementation relative aux véhicules de société. Ce résultat est ensuite multiplié par 20 %, c’est-à-dire l’amortissement d’un véhicule sur cinq ans. Si, en outre, le conducteur dispose d’une carte carburant, on ajoute 20 %. Il sera demandé aux partenaires sociaux d’élaborer un système d’indexation dans les six mois, qui sera évalué après un an. L’avant-projet de loi doit encore être inscrit à l’ordre du jour du Conseil des ministres et suivra ensuite la procédure parlementaire. En clair, certaines dispositions légales sont toujours en cours d’élaboration et doivent encore être approfondies. Il faut bien se souvenir que les avantages fiscaux pour les véhicules de société se sont développés historiquement en raison de charges trop élevées sur le travail. Grâce à l’introduction d’une allocation de mobilité, nous offrons un choix plus étendu aux employeurs et aux travailleurs en termes de modalités de transport. Cette allocation constitue un premier incitant important vers une plus grande liberté de choix et une fiscalité qui tienne compte des conséquences sur la mobilité et l’environnement. En ce qui concerne l’analyse du Bureau du Plan, elle démontre que ce sont principalement les travailleurs qui n’ont pas réellement besoin de leur véhicule de société et qui l’utilisent peu qui peuvent être sensibles à cette mesure. Cela signifie donc que l’un des principaux objectifs du projet serait atteint."

Cependant, objectivement, cela n'a répondu à aucune des objections qui ont été soulevées par nos questions.

Ainsi, il ne réponde pas au réel problème de discrimination que ce projet va aggraver. Surtout, cela n’apaise aucunement la crainte exprimée – qui est désormais une quasi-certitude – que cette mesure n’engendre aucun effet positif sur la mobilité. Il prétend qu’il y a aura davantage de choix, mais ce plus grand nombre de possibilités est fictif. En réalité, si le recours à cette allocation mobilité peut se révéler plus avantageux pour les employeurs, cela lésera, de toute évidence, les employés – les études sont là pour le montrer.

Je trouve que cette proposition manque vraiment d’ambition. Je me permets d’inviter le gouvernement, avant d’adopter cet avant-projet de loi, à s’inspirer d’une proposition déposée par le groupe cdH, qui élargit la problématique, qui inscrit la révision de l’avantage fiscal dans une vraie politique de mobilité. Cela implique une offre améliorée de la part de la SNCB. Cela permettrait aussi d’élargir la palette de mesures à disposition des travailleurs, que ce soit en termes de mobilité ou de qualité de vie.

Je pense que s'ils en restent là, s'ils refusent de revoir leur copie, ils auront peut-être réalisé un coup de communication, mais ce sera surtout une occasion manquée, tant pour la mobilité que pour la fiscalité automobile.

Finances

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